Quand la poussière retombe : et que les chiffres remplacent les impressions
La semaine passée aura été dominée par trois dossiers majeurs : la fin du shutdown* américain, la crainte que la Réserve fédérale ne puisse pas baisser ses taux faute de données fiables, et la persistance du débat sur la survalorisation des actions technologiques.
La réouverture des administrations fédérales a certes apporté un peu de visibilité politique, mais elle laisse la Fed dans une position délicate : pendant plusieurs semaines, les statistiques clés (emploi, inflation, croissance) ont été suspendues. Autrement dit, la banque centrale devra encore composer avec un tableau économique incomplet, ce qui rend peu probable une détente monétaire rapide.
Dans le même temps, les marchés continuent de s’interroger sur les niveaux de valorisation des géants de la tech, déjà mis à rude épreuve ces derniers jours. Et l’attente est d’autant plus forte que Nvidia publiera ses résultats mercredi. L’entreprise, devenue le symbole de l’euphorie autour de l’IA, est désormais scrutée comme un véritable baromètre du secteur : un chiffre décevant, et c’est tout le marché qui pourrait vaciller ; un chiffre brillant, et on s’interrogera encore sur la durabilité de cette croissance exceptionnelle.
Le shutdown le plus long de l’histoire
Après 42 jours de paralysie, Washington a enfin rouvert ses portes. Le Congrès a adopté un budget temporaire, offrant à Donald Trump l’occasion de s’adonner à l’un de ses exercices favoris : une mise en scène très télévisée, tout sourire, derrière le bureau ovale, pour sceller la fin du plus long shutdown de l’histoire américaine.
Pour comprendre l’origine du blocage ,il faut revenir aux revendications des deux camps.
D’un côté les démocrates réclamaient l’extension durable des crédits d’impôt de l’Affordable Care Act (ACA), plus connu sous le nom d’Obamacare, ce programme visant à rendre l’assurance-santé plus accessible et moins coûteuse pour les ménages américains.
De l’autre, les républicains jugeaient ces mesures trop onéreuses. Pour eux, prolonger sans limites les subventions de l’ACA revenait à alourdir encore un budget fédéral déjà sous tension et à creuser un peu plus le déficit.
Au final, personne ne sort réellement vainqueur. Le compromis ne règle rien sur le fond : il repousse simplement l’échéance à la fin janvier, ouvrant la porte à un nouveau bras de fer budgétaire.
Et pendant que les élus s’écharpent sur les crédits de santé, un autre sujet autrement plus vertigineux reste soigneusement évité : la dette publique américaine, désormais proche des 38 000 milliards de dollars, et qui continue de s’alourdir d’environ 1 800 milliards par an au rythme actuel. Une poussière budgétaire, peut-être, mais qui ne retombera pas toute seule.
Au-delà de ces querelles politiques, les conséquences se font désormais sentir bien au-delà du Capitole. Pendant plus de six semaines, l’économie américaine a fonctionné sans ses boussoles habituelles : pas de chiffres d’emploi, pas d’inflation, pas d’indicateurs macroéconomiques fiables. Un véritable trou noir statistique qui laisse la Réserve fédérale… dans le brouillard.
Et c’est bien connu, les marchés ont horreur du vide, car, sans données officielles, impossibles pour la Fed de mesurer la dynamique économique réelle et donc difficile d’envisager sereinement une baisse de taux dans les semaines à venir. Résultat : même après la réouverture du gouvernement, les marchés restent dans l’attente, suspendus au retour des statistiques du BLS prévues le 20 novembre.
Ce manque de visibilité a fini par entamer la confiance des investisseurs et créer des tensions sur les taux. Alors qu’avant le shutdown, une large majorité pariait encore sur une baisse des taux de la réserve fédérale américaine le 10 décembre, ils ne sont désormais plus que 44 % à valider ce scénario.
Cela me donne l’occasion de répondre à une question qui revient souvent chez nos clients investis dans des fonds structurés exposés au sous-jacent CMS :
Comment expliquer que les taux européens montent alors même que la croissance est faible, que l’emploi patine et que rien, objectivement, ne plaide pour un durcissement monétaire ? Et surtout, pourquoi semblent-ils suivre les taux américains alors que les deux économies évoluent sur des trajectoires opposées ?
Pour comprendre ce mécanisme, en apparence contre-intuitif, il faut rappeler un principe simple : le marché obligataire américain est le pilier financier du monde.
Le Treasury américain(Titre obligataire à intérêt fixe garanti) en particulier le 10 ans et le 1 an, sert de taux sans risque global. Lorsque l’État fédéral doit financer une dette de 38 000 milliards de dollars, avec un déficit annuel qui dépasse 1 800 milliards, les investisseurs deviennent plus exigeants : ils demandent une rémunération plus élevée pour prêter à Washington. Résultat, les rendements montent.
Pour donner un ordre de grandeur, prêter à l’État américain sur un an rapportait seulement 0,07 % fin 2021 ; aujourd’hui, le même titre sert près de 3,70 %. Le monde a changé de planète obligataire.
Et c’est là que le phénomène de contagion commence. Quand les Treasuries se tendent, ils deviennent mécaniquement plus attractifs : certains investisseurs internationaux réallouent alors leurs portefeuilles vers les États-Unis. Pour éviter une fuite trop importante de capitaux, les autres zones dont l’Europe, doivent s’ajuster, c’est-à-dire offrir elles aussi des rendements plus élevés afin de rester compétitifs.
Autrement dit : les taux européens montent non pas parce que notre économie va mieux, mais parce que les États-Unis exportent leur stress obligataire. L’onde de choc traverse l’Atlantique, et les CMS européens suivent le mouvement, même si la conjoncture continentale reste atone.
Ce rappel est essentiel pour les détenteurs de supports structurés indexés sur le CMS : la valeur liquidative reflète une sensibilité immédiate au marché des taux, mais elle ne doit jamais être confondue avec la performance finale. Les produits structurés sur ce type de sous jacent reposent le plus souvent sur un mécanisme de protection du capital à l’échéance, ce qui impose d’avoir en tête son horizon d’investissement plutôt que la volatilité intermédiaire.
L’IA face au mur des attentes
Le Nasdaq a affiché un nouveau recul de 2,66% sur la semaine. Les valorisations de l’IA continuent d’inquiéter parce qu’elles reposent de plus en plus sur des promesses futures plutôt que sur des profits réels, dans un contexte où la hausse des taux évoqués renchérit le coût du capital et rend le secteur extrêmement vulnérable à la moindre déception. Les investisseurs ont déjà intégré un futur quasiment parfait : une croissance explosive, des marges records, une adoption massive, ce qui laisse peu de place à l’erreur.
C’est dans ce climat de tension que les résultats de Nvidia, attendu mercredi, prennent une importance démesurée. Véritable baromètre de la fièvre IA, le groupe cristallise à lui seul les espoirs… et les excès. Le moindre écart avec les attentes pourrait secouer tout le secteur, tandis que de nouveaux chiffres « exceptionnels » ne feraient qu’entretenir le malaise d’un marché qui s’interroge sur la durabilité de cette euphorie.
Bonne semaine à toutes et à tous !
*Shutdown : Qu’est-ce que le shutdown dans un pays ?
Une fermeture du gouvernement se produit lorsque le pouvoir législatif n’adopte pas les projets de loi clés qui financent ou autorisent les opérations du pouvoir exécutif, ce qui entraîne la cessation de certaines ou de toutes les opérations d’un gouvernement.
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